Bien plus qu’une “pratique” le qigong (chin. Qìgōng 气功) est avant tout un “art de vivre” ou une “discipline de vie” (cf. infra). En ce sens, on pourrait aisément dire qu’il est à la Chine ce que le yoga est à l’Inde. Discipline psychocorporelle ou psychosomatique (corps-esprit), le qigong doit être appréhendé sous trois aspects consubstantiels :
L’érudit Yang Jwing Ming distingue 4 grandes catégories de qigong :
C’est à cette dernière catégorie qu’appartient précisément le Guōlín Qìgōng 郭林气功 dont le nom véritable que lui conféra sa créatrice est Xīn Qìgōng Liáofă 新气功疗法, Thérapie par le Nouveau Qigong ou Nouveau Qigong Thérapeutique.
Nombreux sont ceux qui “pratiquent” le qigong. Est-ce à dire alors que l’on “pratiquerait” le qigong comme on pratiquerait du football, du ping-pong, de la pétanque ou quelque autre activité sportive ? Nombre d’écoles modernes occidentales ont oublié ou, pire encore, ignorent que le qigong n’est pas une “pratique” mais avant tout et surtout un “état” et un “état d’être”. Il suffit de se plonger au cœur même des textes anciens pour y entendre notamment parler “d’état de qigong” (Qìgōng Zhuàngtài 气功状态).
Le magistral “Classique Interne de l’Empereur Jaune” (Huáng Dì Nèi Jīng 黄帝内经), est particulièrement exhaustif sur le sujet. Tout y est précisé, nous n’avons qu’à nous baisser et à cueillir les informations. Le texte nous dit en effet que, dans des temps reculés, vivaient les “hommes véritables” (Zhēn Rén 真人) qui maîtrisaient l’art secret d’entretenir la vie (Yăng Shēng 养生). Ils veillaient à s’accorder avec la nature, avec le Tao (Qí Zhīdào Zhě 其知道者), leur loi était celle du Yīn-Yáng (Fǎ Yú Yīnyáng 法於阴阳), ils maîtrisaient l’art des nombres (Hé Yú Shù Shù 和於術數), accordaient une attention particulière à modérer leur alimentation (Shí Yǐn Yǒu Jié 食飲有節) et veillaient à adopter des routines quotidiennes (Qǐjū Yǒu Cháng 起居有常). Ils veillaient à ne pas surmener leur corps par des efforts excessifs et inutiles (Bù Wàng Zuò Láo 不妄作勞).
Ces hommes “soutenaient l’équilibre Ciel-Terre” (Tíqiè Tiāndì 提挈天地), c’est-à-dire qu’ils comprenaient et maîtrisaient les forces fondamentales de l’univers, notamment les concepts de “Ciel” (le spirituel, le divin) et de “Terre” (le matériel, le physique). Ils connaissaient parfaitement les principes du Yīn-Yáng (Bǎwò Yīnyáng 把握陰陽), savaient comment respirer “l’énergie quintessentielle” (Hūxī Jīng Qì 呼吸精氣), se tenir debout et droit, concentrés sur leur esprit (Dúlì Shǒushén 獨立守神) tout en gardant leur corps (muscles et chairs) parfaitement uni (Jīròu Ruò Yī 肌肉若一).
Ainsi, ils pouvaient vivre aussi longtemps que Ciel-Terre (Gù Néng Shòu Bì Tiāndì 故能壽敝天地), sans connaître de fin (Wú Yǒu Zhōng Shí 无有終時). Parce qu’ils étaient capables de maintenir une unité corps-esprit, ils pouvaient repousser la mort et vivre centenaires (Gù Néng Xíng Yǔ Shén Jù, Ér Jǐn Zhōng Qí Tiān Nián, Dù Bǎi Suì Nǎi Qù 故能形與神俱,而盡終其天年,度百歲乃去). Telle était la “voie de la vie” qu’ils suivaient (Cǐ Qí Dàoshēng 此其道生).
Plus tard, il y eut des “hommes parfaitement réalisés” (Yǒu Zhì Rén Zhě, Chún Dé Quán Dào 有至人者,淳德全道) puis des sages/saints (Yǒu Shèngrén Zhě 有聖人者) puis encore des hommes vertueux (Yǒu Xiánrén Zhě 有賢人者). Ces hommes possédaient une vertu pure et suivaient pleinement la voie du Tao (Chún Dé Quán Dào 淳德全道). Eux aussi vivaient en harmonie avec le principe du Yīn-Yáng (Hé Yú Yīnyáng 和於陰陽), ils s’accordaient au rythme des quatre saisons (Diào Yú Sì Shí 調於四時). Ils étaient détachés du monde et de ses conventions (Qùshì Lí Sú 去世離俗). Accumulant leur essence (Jīng 精), leur esprit était “total” (Jī Jīng Quán Shén 積精全神). Ils étaient la manifestation de Ciel-Terre (Yóuxíng Tiāndì Zhī Jiān 游行天地之間) et pouvaient voir et entendre au-delà des huit directions (Shìtīng Bā Dá Zhī Wài 視聽八達之外). Ils modéreraient leurs désirs et les plaisirs mondains (Shì Shìyù Yú Shìsú Zhī Jiān 適嗜欲於世俗之間) et ne laissaient pas leur cœur être envahi par la colère ou le ressentiment (Wú Huì Chēn Zhī Xīn 无恚嗔之心). Ils ne cherchaient pas à fuir le monde (Xíng Bù Yù Lí Yú Shì Bèifú Zhāng 行不欲離於世), leur apparence vestimentaire et leurs effets étaient ordinaires (Bèifú Zhāng 被服章) et ils n’avaient nul désir de reconnaissance (Jǔ Bù Yù Guān Yú Sú 舉不欲觀於俗). Ils ne surmenaient pas leur corps avec des activités extérieures (Wài Bù Láo Xíng Yú Shì 外不勞形於事) et ne laissaient pas leur esprit être accablé par des pensées morbides (des “idées noires”) (Nèi Wú Sīxiǎng Zhī Huàn 內无思想之患). S’appliquant à demeurer dans la tranquillité (le calme ou quiétude) et la joie (Yǐ Tián Yú Wèi Wù 以恬愉為務) et considérant la satisfaction intérieure (i.e. contentement) comme un accomplissement (Yǐ Zìdé Wèi Gōng 以自得為功), leur corps ne se dégradait pas (Xíngtǐ Bù Bì 形體不敝) et leur esprit ne se dispersait pas (Jīngshén Bú Sàn 精神不散) de sorte qu’ils pouvaient être centenaires (Yì Kěyǐ Bǎi Shù 亦可以百數).
Ainsi, une lecture fine et attentive de ce texte fondateur nous montre bien que le mode de vie des anciens n’était pas une question de “pratique” mais bien d’art de vivre ou d’art de vie (Shēng Shù 生术) et d’état d’être” (Cún Zài Zhuàng Tài 存在状态). Tout comme on ne “pratique” pas l’acte de se nourrir, l’acte de respirer ou encore l’acte de maintenir son esprit calme, on ne “pratique” pas le qigong. Le qigong n’est pas une “activité” à laquelle on s’adonnerait le temps d’une “pratique” mais bien un “état d’être” érigé au rang d’art (Shù 术), celui de conduire sa vie dans le respect express des lois de l’univers. Art majeur parmi les arts, il est de ceux qui permettent d’entretenir ou de préserver la vie (Yăng Shēng Shù 养生术) autant que de la sauvegarder (Hàn Shēng Shù 捍生术) lorsque celle-ci viendrait à être altérée.
Nous devons donc être parfaitement clairs et mettre en garde quiconque envisagerait de ne considérer le qigong que sous l’angle totalement erroné de sa seule dimension de “pratique”, oblitérant de facto sa dimension réelle, celle d’état d’être et d’art de vie qui participe du maintien de l’équilibre général Ciel-Terre (Tiāndì 天地), Corps-Esprit (Shén Tǐ 神体)..
Nul ne peut prétendre aborder, et a fortiori enseigner le qigong, qui plus est les qigong médicaux, s’il ne fait que le “pratiquer” à défaut de l’incarner, de le vivre, de l’être. “Pratiquer” le qigong est une chose, “être le qigong” en est une autre. À moins d’avoir vécu et d’avoir été éduqué en Chine au contact direct des maîtres de la tradition, il est incontournable d’en référer aux classiques qui ont été légués à la postérité pour en comprendre l’esprit, la quintessence, encore faut-il prendre le temps et avoir le courage de les compulser. Pour cette raison, et bien d’autres encore, tout au long des formations proposées par Réseau Guolin France®, nous mettons un point d’honneur à ce que toute ambigüité soit levée et que le sujet soit traité avec la plus grande attention, à la hauteur des enjeux qu’il revêt.